
Aujourd'hui, je vous invite à rencontrer Florent Ladeyn, artisan terroiriste, installé dans les Flandres depuis presque 40 ans !
Il m’a donné rdv à 14h. Son temps est compté. Je lui annonce : « On en aura pour ¼ d’heure, sauf si tu as envie de me raconter plein de choses ! »
Il porte fièrement une casquette gris métallique, à l’effigie de Dubrulle TP, la boite d’un de ses cousins. Sur son Tshirt, le mot « terroirisme » est inscrit en lettres blanches. Je connais son discours et son engagement pour son territoire, et aujourd’hui je veux laisser la place à l’humain, comme si je discutais avec un copain. On s’installe, une chicorée pour moi, un grand verre d’eau pour lui. « Je bois énormément d’eau, me dit-il, et pas d’alcool en semaine. Je fais de la boxe et je cours, ça permet de me défouler, ça fait du bien ! »
Dès la première question, on sent que le bonhomme est habitué à l’exercice. Quand je lui demande comment il se définit, il est posé et me répond sereinement : « entier, passionné, vivant… et amoureux ». Cette question, simple en apparence, en déstabilise plus d’un. Pas lui. Il a de la bouteille. Ou alors il est bon acteur ? A vous de vous faire votre avis après la lecture de cet article.

Il est né en juin, sous le signe du Gémeaux : « On est tous gémeaux dans la famille, et pas mal penchés ésotérisme. Mais il y a aussi l’étymologie de mon prénom qui compte. Attends, je vais te la lire… » Il cherche sur son téléphone et me dit : « Florent est une personne sensible qui aime se tourner vers les autres. Il n'est pas rare de le voir se diriger professionnellement vers des métiers de service ou dans l'humanitaire. Florent essaye également de s'impliquer dans le milieu associatif. Empathique, il fait preuve d'une grande qualité d'écoute. Il est réputé pour ses conseils réfléchis et avisés. Réservé, Florent peut avoir du mal à se mettre en avant en société. Il peut cependant étonner son entourage en faisant preuve de réelles qualités d'orateur lorsque le sujet le passionne. Florent peut aussi se montrer susceptible si une remarque le blesse. Il aura cependant tendance à garder sa rancune pour lui. Il peut également se montrer méfiant envers les autres, car il a très peur d'être déçu. Il choisit donc ses amis minutieusement. Florent ressent le besoin d'être proche de sa famille et fait en sorte que les gens qu'il aime ne manquent jamais de rien. » Il lève la tête et sourit. « J’aime ce que je fais, je me sens vivant quand je le fais. J’ai une tendance à m’ennuyer rapidement. Mais surtout, j’aime rendre les gens heureux ! ».
Je lui demande pourquoi il est installé ici, dans les Flandres : « C’est ma région, c’est mon histoire. Les gens sont cools ici, l’humain est hyper important. Et puis c’est un sacré challenge à relever pour un cuistot, et ça c’est bon ! »
Ce qui lui plait dans ses journées, c’est retrouver ses équipes, faire plus et mieux, accompagner sa fille à l’école, choisir les personnes qui l’entourent (à l’époque de l’interview, il est en plein recrutement pour des nouveaux lieux). Il me dit être conscient du temps qui passe : « Je sais que je me fais chier, mais c’est pas pour rien. On a recréé un système vertueux, un réseau hyper important, c’est pas anodin, tout ça ! »
Je lui demande de me raconter un moment particulier, déterminant dans sa vie professionnelle : « C’était un 4 mains, à Moscou, 600 personnes. On l’a fait ! En fait, c’est possible ! On a aussi cuisiné à l’Aéro, sans cuisine ! Ca enlève pas mal de barrières psychologiques, de faire des trucs comme ça ! » Petite note de la rédactrice pour les non-Nordistes : l’Aéro, ou Aéronef, est une salle de concert lilloise. Florent a cuisiné sur la grande scène pour les 30 ans du lieu. C’était épique !
A la question « quel est ton rapport à l’image ? », sa réponse est simple : « Je ne me regarde pas ! Le culte de la personnalité, très peu pour moi ! » Je me souviens encore la première fois où je l’ai rencontré. J’étais photographe « débutante » et je lui avais demandé si je pouvais venir m’exercer pendant un service à l’Auberge (Le Vert Mont à Boeschepe). Il avait accepté. Le jour convenu, je me présente à l’Auberge et je suis accueillie par un « Bonjour, moi c’est Florent » tout sourire et le regard pétillant. Voilà , le gars est simple, gentil, bon, tout simplement.

Passons à ses coups de cœurs ! Pour la musique, c’est Bill Calahan et Fontaines DC. « En ce moment, je fais écouter I Am et NTM à mon fiston ! » Il me parle aussi d’un ami photographe, Peter Funch, qui fait de jolies choses, et notamment des bouquins.
Ses conseils-restos sont multiples : Lewis à Anvers, Bagnat et Livingstone à Marseille, Terminus à Watou (Callicannesweg) et Otap à Bruxelles. Deuxième note de la rédactrice : qui est partant pour une virée dans ces lieux avec moi ?!
Un mot qu’il aime bien ? Il réfléchit, puis me dit « Installer ! Ma mamie, elle me dit toujours « Bah t’es installé, toi ! » et ça me fait marrer ! C’est mon côté punk, vivre l’instant. Tu vois mes tatouages, par exemple, je les ai tous fait sur un coup de tête ! Voilà , c’est ça « installer » !!! »
Sa routine beauté ? Cette question sonne comme une blague, mais il me répond sérieusement : « Je fais de la boxe et je bois beaucoup d’eau. J’utilise un savon fabriqué à Boeschepe, celui qu’on propose dans les chambres de l’Auberge, et bien il sert à tout, il est tout doux pour ma peau de bébé ! »
La dernière chose apprise ? « Ma fille de 3 ans m’a appris à dire « sou » en danois. Ça se dit « pinge » ! ».
Une première fois mémorable ? « Quand on a réouvert après le Covid… C’était une sacrée étape… »
Une personne à me conseiller pour une prochaine rencontre ? « Tu peux aller voir Stéphanie, la meunière de Leffrinckoucke, la ferme du Duneleet. Elle a une capacité de réflexion, de prise de recul, impressionnante ! Quand tout le monde pousse dans une direction, ça lui pose question et elle fait autre chose. C’est passionnant de discuter avec elle. »

L’interview touche bientôt à sa fin. Je lui demande s’il est heureux, il me dit que oui, avec un grand sourire. Puis je lui lance « Imagine que je prends une photo de ta vie intérieure, de tes pensées, là , maintenant, ça donnerait quoi ? » Il éclate de rire et me répond : « Bordel, t’as pas envie d’être dans ma tête, là , je t’assure ! Il se passe 20 millions de trucs en ce moment ! Tu vois, c’est comme un immense meuble d’apothicaire avec des milliers de tiroirs qui s’ouvrent tout seul. Il y a des plans A, des plans B, C, D… » Puis il ajoute : « Quand je brasse avec Kevin, là , je ne réfléchis plus, je fais ce qu’il me dit ! »
Pour les jours, semaines, mois à venir, il veut que je lui souhaite « bonne chance ». De multiples projets sont nés depuis cet interview : l’ouverture d’un Bierbuik à Béthune, celle d’un Klok à Bruxelles, ou encore un corner à Grand Scène à Lille. Il sillonne les Flandres françaises et belges et peut compter sur des équipes soudées et travailleuses, pour faire briller le « terroirisme » dans les assiettes et dans les verres.
Et pour ceux qui se demandent : cet interview aura duré une heure ! Il avait des choses à raconter, finalement.
A bientôt pour une prochaine rencontre !
Caroline